J’avoue que je regarde rarement des vidéos sur le web. Je préfère lire, c’est une déformation professionnelle. Une erreur même, c’est comme si le cinéaste ne lisait jamais de livres. Une erreur que j’ai palliée ce dimanche (1) et je ne le regrette pas.
Sur mon écran apparaît celui qui restera pour moi Keyser Söze, l’acteur Kevin Spacey.
J’avais l’impression d’être dans la scène finale de Usual Supects où il raconte une histoire à dormir debout aux policiers qui l’interrogent.
Souvenez-vous ou revoyez la scène, Keyser Söze fait du Storytelling !
Il est donc normal que celui qui incarne au cinéma ce rôle de méchant fasse l’éloge du storytelling.
Il s’imprègne, de l’intérieur, de ce qu’il a lui-même vécu.
En partageant cette vidéo, je commence par me tirer une balle dans le pied !
Ecoutez ce qu’il dit :
« … if you’re watching a film on your television is it no longer a film because you’re not watching it in a theater ?… » (2) (lisez les notes de bas de page, elles sont importantes)
Autrement dit, peu importe le support, le contenu reste ce qu’il est. Moi, ça fait des années que je me démène pour vous expliquer qu’on n’écrit pas de la même façon pour un journal, un blog ou un roman. Et un acteur vient m’expliquer le contraire ! Ou plus précisément que ce n’est pas un problème.
Et en plus, il m’a convaincu ! C’est sûr, je vais boiter tout le long de cet article.
Il n’a pas tort le bougre, le gamin lui s’en moque. Tout ce qu’il veut, c’est qu’on lui raconte une histoire. (3)
«… for kids grouwing up now, there is no difference,
watching advertise on ipad, you tube on tv…
It’s all content,
it’s just story
and the audience has spoken
they want stories
they are dying for them
they will talk about it…
tweet, blog, facebook, make fan pages,
…
engaged with a passion… and intimacy
than a blockbuster could only dream of
All we have to do is give it to them ! »
Cette fois-ci, on est d’accord. J’ai publié plus de 300 articles en trois ans en essayant à chaque fois de raconter une histoire.
Comme dans un film justement, avec des personnages, des lieux et une mise en scène. Pourtant, on n’est pas dans une salle de cinéma, mais dans la blogosphère.
Il a donc raison. Peu importe le support. La méthode est la même. Michel-Ange faisait la même chose sur le plafond de la Chapelle Sixtine, Bryan Singer en tournant « Usual Suspects » avec Kevin Spacey ou Voltaire avec les aventures de Candide sur la route de l’Eldorado. Et ce sont tous des succès !
Et qui est le maître des histoires d’aujourd’hui ?
Celui qui raconte ou celui qui écoute, regarde et lit ? Kevin Spacey répond en disant que c’est le public qui décide.
Alors, les pros du business et de la com vont devoir se mettre au pas et accueillir dans leurs organigrammes des narrateurs, des conteurs, des scénaristes, des rédacteurs, des écrivains, des blogueurs, en un mot, des créatifs (4).
Sinon, ils avanceront péniblement avant de chuter. Et tous rigoleront à la vue de ce malheureux clown. Un boiteux qui perd l’équilibre.
Moi, ce qui me fait rêver dans les propos de Kevin Spacey dans cette conférence, ce sont les moyens financiers faramineux dépensés par les compagnies pour produire des « pilotes » dont la plupart n’auront jamais la moindre suite.
S’ils consacraient quelques sous de ces millions de dollars pour produire des blogs, je vous assure que l’on pourrait raconter des milliers d’histoires qui n’auraient rien à envier aux méga-productions de la Fox !
Car le blog n’est pas un objet gracieux offert par un blogueur généreux. Lui aussi a besoin de vivre et de manger, sinon vous ne connaîtrez jamais la fin de leurs histoires.
Et c’est à la fin que l’histoire prend tout son sens.
Quand plus personne ne boite !
Denis Gentile
- Merci à Pierrick Le Bourdiec pour ce partage sur Google Plus et Facebook
- J’avais préparé une traduction maison des phrases de Kevin Spacey. Mais j’ai finalement décidé de ne pas la publier. D’abord pour garder la force des propos qu’un traducteur amateur comme moi est incapable de reproduire. Ensuite pour protester. Pourquoi ? Parce que depuis hier matin, j’ai été bombardé (pour ne pas dire spammé) de posts qui me disent que quelqu’un a décidé qu’on ne doit plus dire Community Manager mais autre chose avec des mots en français. Bientôt, ils feront aussi un décret pour me dire que mon blog ne pourra plus s’appeler More Than Words ! Ils m’obligeront peut-être à utiliser une chanson française.
- Deux exemples de storytelling lus cette semaine. Catherine Millet sur son blog « Admin 18 » : « C’est l’heure de l’introspection et du bilan pour mieux avancer », Valérie Thuillier : « Ce blog prend une nouvelle orientation »
- Lire l’article « 10 paradoxical traits of creative people »
7 commentaires
Lacombe · 12 septembre 2014 à 0 h 28 min
« Moi, ça fait des années que je me démène pour vous expliquer qu’on n’écrit pas de la même façon pour un journal, un blog ou un roman. Et un acteur vient m’expliquer le contraire ! » Je suis d’accord avec toi.
J’apprends à blogger et c’est totalement différent de la littérature, la vraie.
Mais j’aime beaucoup tes articles: c’est clair, réfléchi et tu touches le lecteur.
mamansquidechirent · 11 septembre 2014 à 19 h 20 min
Bonjour Denis ! Pour la nouvelle blogueuse et passionnée de partenariats que je suis, cet article est un régal. Et comme je suis d’accord avec le commentaire de Valérie ci dessus!
Ca m’inspire un prochain article: « Immersion dans une journée de blogueuse », je ne manquerais pas de vous linker tous les deux 😉
Bonne soirée amis #jeblogue !
Chantal · 15 septembre 2013 à 15 h 47 min
Le story telling…tout le monde y succombe parce que depuis notre tendre enfance on adore qu’on nous raconte des histoires. D’ailleurs les pros du marketing de luxe ne S’y trompent pas, le dernier exemple en est le film publicitaire du parfum Shalimar de Guerlain. Pourquoi les gens sont ils si friands de ce qui n’est pas anonyme? Voilà pourquoi aussi les séries marchent plus que les films parce que le story telling permet de densifier les personnages. Alors oui peu importe le format, ce qui compte est de captiver, de faire rêver, de surprendre, de fasciner, de sortir de l’ordinaire. Merci pour cet article. Le peintre LIPPI père, fut un des premiers à raconter des histoires en fresques dans les églises parlant des émotions et des tourments, de la réalité des gens.
Nancy Freyermuth · 10 septembre 2013 à 15 h 35 min
Peu importe le support, peu importe le décorum, peu importe la maison d’édition, que le support soit responsive ou pas, peu importe la version quand on est accro à une histoire ou à son auteur on combat les maux pour atteindre ses mots.
Alors oui « ami » bloggeur, enchantez-nous, emmenez-nous dans vos histoires…que vous soyez animateur ou manager de communauté. On vous suit ou on ne vous suit pas, on vous lit ou on ne vous lit pas, l’important c’est d’oser nous conter quelque choses… même si au final nous décidons… Mais si Vous vous restez sur le plaisir d’écrire et de partager nous nous rejoindrons.
Bloggeur soyez « responsive » et « adaptive » 😉
On ne force pas un lecteur on l’attire on le touche et c’est marqué par cette première lecture qu’il vous lira ou vous relira partout ici et ailleurs 😉
Catherine · 10 septembre 2013 à 14 h 43 min
Une très belle réflexion, superbement interprétée 😉 merci à toi pour le lien vers mon blog 🙂
peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse… Etant CM depuis ma naissance ça ne changera rien pour moi 😉
Bonne journée !
MonEncre · 10 septembre 2013 à 9 h 12 min
Excellent article Denis. C’est remarquablement écrit et je salue la réflexion. En passant, comme Valérie le souligne, animateur de communauté est un débat inutile mais je pense que ça fait perdre du sérieux à une profession qui ne cesse de démontrer ce même sérieux.
Valérie Thuillier (@ValThuillier) · 10 septembre 2013 à 8 h 25 min
Encore un bel article merci Denis ! Très sympa aussi la mention vers mon blog…c’est du pipi de chat non ce soi-disant débat sur le nom du Community manager rebaptisé en animateur de communauté 😉 encore un débat inutile, un changement sans intérêt …que l’on m’appelle comme on veut 😉 ça ne changera rien à mon planning quotidien 😉
Bien à toi