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1961, le petit Luigi n’a pas encore quinze ans. Son père et son frère ainé sont partis quelques mois plus tôt en France. Lui est resté en Italie, avec sa mère, sa sœur et ses autres frères. Ils se réuniront au plus vite, le temps pour les deux éclaireurs de trouver du boulot dans une usine de la région parisienne et un toit pour abriter toute la famille.
Luigi (1 & 2) sait qu’il n’aura aucune difficulté à s’insérer dans ce nouveau monde. Il est jeune, fort, beau et en plus, c’est un as de la mécanique. Pas la peine de parler français pour désosser le moteur d’une voiture ! Il n’aura aucun mal à convaincre un garagiste à l’embaucher. Il en est certain.
Radio
En effet, à peine arrivé, c’est au quart de tour qu’il démarre dans son nouvel environnement. Au bout de quelques semaines, il parle déjà le français, il s’est fait plein de copains et s’est plongé dans une nouvelle passion : la radio. On peut désormais écouter de la musique au volant de sa voiture. C’est magique. Aujourd’hui, c’est un peu comme avoir accès au web où que vous soyez avec un iPad.
Si vos parents ou grands-parents écoutaient de la musique dans les années 60 quand ils partaient en voyage, c’est peut-être grâce à Luigi. C’est aussi un musicien au look de rocker avec son blouson en cuir et ses cheveux longs. Il gratte sur sa guitare acoustique les tubes du moment comme « Le Pénitencier », la version française de « The House of the Rising Sun ». Dans les années 90, il aurait pu jouer le titre de ce blog « More Than Words ».
Je me souviens quand il a installé l’autoradio dans la 304 de papa ! Les K7 audio étaient plus grosses que les futurs VHS et Betamax ! Plus tard, il installera aussi les alarmes. Indispensables pour ne pas se faire voler son autoradio. Et le métier va évoluer pendant plus de 20 ans. Le rôle de l’électricien automobile va prendre encore plus d’importance. L’expert qu’il est devenu va lui permettre d’occuper une place centrale et recherchée parmi les garagistes et concessionnaires.
C’est la belle époque. Oubliée la maison de rêve abandonnée en Italie, oublié le cabanon raffistolé de bric et de broc quand il est arrivé en France. Il habite désormais dans une grande maison avec sa femme et ses enfants. Sa maison, celle de sa famille et de la vie qu’il a réussi à construire. Je le considérais comme un héros. Et cette comparaison est bien réelle et vivante puisque je parle de lui quarante ans plus tard, comme si c’était hier.
Il y aurait tant à dire sur ce conte de fées de l’après-guerre et cela pourrait être l’objet d’un blog ou d’un roman. Je me contente d’un bref article pour illustrer l’évolution des mœurs et des structures.
Electronique
Mais le progrès technologique ne s’arrête plus et frappe un premier coup dans les années 80 et assénera le coup du K.O. dans les années 90.
L’électricité va être dépassée par l’électronique. Il va falloir assimiler de nouveaux schémas et souder de nouveaux circuits.
Depuis sa naissance, il a tout appris sur le tas, comme on dit. Son métier comme la langue française. A tel point qu’il a pratiquement oublié sa langue natale. Empiriquement et avec l’expérience, il est devenu un expert. Mais là, ce n’est plus possible. Il faut lire de longues notices, suivre des cours, prendre des notes et étudier le soir.
C’est trop de choses d’un coup ! Lui, le roi du garage, va être relégué dans un coin du hangar. On le laisse seul s’arracher les cheveux avec les composants électroniques. Malgré tout, cela fonctionne encore avec l’électricité. Et la couleur des fils n’a pas changé. Il y en a juste beaucoup plus.
On vit une époque où tout évolue de plus en plus rapidement. Luigi a été pendant plus de 20 ans le meilleur dans son domaine. Moi, si je ne m’intéresse pas à l’actualité des logiciels, des réseaux sociaux et des supports de communication, je ne resterai pas longtemps un spécialiste. Même chose pour les communicants d’aujourd’hui, du journaliste au pratiquant en marketing en passant par l’écrivain, s’ils s’accrochent (comme le journal Libération depuis quelques mois) au support papier et au courrier postal, leur efficacité va s’effondrer ! Car même le courrier est devenu électronique.
Je vous laisse raconter vos histoires et compléter la liste des métiers. Car des exemples comme celui-ci on en connaît forcément et tous les métiers sont touchés par la révolution numérique. Pas seulement le mécanicien, l’électricien, le plombier, le journaliste ou le community manager, mais aussi l’assureur, le banquier ou encore les politiques.
Des banques (et les politiques bien sûr) qui ont plongé le monde dans une crise financière car, entres autres choses qui ne sont pas de ma compétence, elles n’ont pas bien assimilé le passage de l’électrique à l’électronique. (Et dire que c’est à eux que nous confions notre argent !) Ceux qui persisteront dans cette voie seront voués à provoquer d’autres crises. Irrémédiablement.
100% numérique
C’est aussi tout l’intérêt de développer une stratégie cent pour cent numérique avec une communication dans les mains des artisans du web 2.0. : chef de projet informatique, community manager, blogueur, web designer, consultant en référencement naturel, etc.
Et avec le métier, la relation avec le client évolue aussi. Aujourd’hui, il y a plus d’intérêt à vous réunir avec des internautes et dialoguer avec eux, que de faire des réunions en interne avec vos collaborateurs. C’est là que se décide le futur de votre entreprise et de votre marque.
Etes-vous prêt à suivre ce mouvement ?
Et immédiatement, car la prochaine nouveauté technologique ne vous attendra pas !
Si ça peut vous rassurer, on ne se salit plus les mains comme il y a 50 ans.
Denis Gentile
- Ce récit, parfois fictif, parfois réel, est dédié à mon oncle et à ma famille.
- Il s’agit d’un article paru pour la première fois en janvier 2013 sur un blog client. Il a été remixé (sans les références à ce client et sans les photos) pour pouvoir être publié sur mon blog. Il y a des choses plus importantes que le Duplicate Content dans la vie. C’est mon article le plus « Unplugged », mon préféré aussi, il avait donc sa place sur mon blog.
8 commentaires
Nawel Merah · 23 mars 2014 à 11 h 10 min
Bonjour Denis, j’ai adoré cet article, quelle belle époque, cela m’a rappelé mon enfance, des souvenirs chers à mon coeur, merci pour ce partage.
Fabienne Lagorsse Pl@n'net Flag · 4 mars 2014 à 16 h 50 min
Il est très bien ton article Denis! Tout le monde n’a pas la capacité de s’adapter aux nouvelles technologies, ce n’est pas donné à tout le monde malheureusement! Je vois ma mère qui était une Tout va trop vite, et tout le monde ne suit pas forcément! Que faire pour ceux qui resteront sur la touche?
Alexandra · 4 mars 2014 à 12 h 46 min
Très bel article Denis, et belle réflexion, que je partage.
Je m’interroge pas mal sur ce sujet ces jours-ci.
« C’est beau le progrès », dit-on souvent ! … mais dernièrement j’ai l’impression que ça va trop vite, et je me demande parfois où cela nous mène. J’espère que nous ne perdrons pas la dimension humaine, dont, me semble-t-il, nous avons besoin !
Gwenaelle Carré Guyot · 27 février 2014 à 16 h 58 min
Mon grand père a 90 ans. Il a vécu l’arrivée de l’électricité dans les foyers, l’installation de l’eau courante et des sanitaires avec le tout à l’égout. Puis la Radio.. la TV, un poste dans le village et toutes les familles réunies autour de l’émission du dimanche sur la chaine unique……
Puis le téléphone à la maison. Le minitel..
AUjourd’hui, il nous voit avec nos tablettes, smartphones, ordi portables and co……
Il n’a QUE 90 ans….
Moi, je n’ai QUE un peu moins de 40 ans. La première fois que j’ai vu un Bibop j’ai hurlé de rire. Et puis j’ai commencé ma carrière chez Oléane… premier FAI français.
PUis j’ai été community manager en 2005 (modo de forum et blogueuse forte audience…et plus avec affinités pendant 6 ans….).8 ans plus tard….je ne reconnais presque plus internet. Et c’est génial.(ou pas,ça dépend). J’ai fait des rencontres fabuleuses.(et j’en ai pris plein la tête aussi).
Tous les jours j’apprends grâce à cette fenêtre sur le monde, cette encyclopédie qui s’écrit seule chaque jour.
Mais je fatigue. Je vieillis.Je vais laisser la place et me concentrer sur l’humain. Sur cet humain qu’on a un peu oublié caché derrière l’écran.Celui qui souffre de ne pas parvenir à être visible.
Car bloguer et être visible…..c’est un drôle d’en-jeu.
Merci pour ce bel article Denis. Il ne faut jamais grandir…. et rester créatif.Toujours conserver cette idée d’avance, celle qui nous permettra de ne pas nous laisser dépasser si facilement. Et je te fais confiance pour cela.
karine carville · 27 février 2014 à 11 h 36 min
Idem dans l’enseignement mais avec de gros décalages entre ce que le gouvernement voudrait mettre en place et ce qui se passe réellement. À l’heure de l’iPad et du TNI, alors qu’il me reste encore une vingtaine d’années à bosser, je ne suis pas certaine de voir arriver ces technologies dans ma ZEP. Le souci que ça pose n’est pas par rapport à moi (même si je peste car j’aimerais bien avoir ces supports numériques d’apprentissages) mais par rapport à mes élèves qui ont donc déjà un train de retard dans leur formation…
Abdelhamid · 27 février 2014 à 11 h 34 min
L’electricien dispose d’une chose que beaucoup lui envie du fait de ses années d’expérience, à savoir la connaissance et un goût du travail accompli parfaitement. Du statut d’executant, il est devenu maître et on ne peut que s’incliner devant un sage.
Abdelhamid · 27 février 2014 à 10 h 54 min
Tres bel article Denis. Tu sais mener les réflexions comme personne. Même le plombier a du s’adapter pour devenir installateur sanitaire et thermique car désormais il installe les climatisations et le chauffages. Il doit tout paramétrer. Même si on se salit moins les mains, la trace de l’effort les imprègne et les anoblie.
Portrait de Béatrice Gentile : le Fil de l'Inspiration | More Than Words · 14 mars 2014 à 9 h 01 min
[…] retrouve alors le fil conducteur de notre famille (Lire l’article : On est tous des électriciens). Celle d’un italien qui est parti en voyage. Comme nos ancêtres. Ils ont quitté leur terre […]