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La méthode communautaire… Quel sujet pour déchaîner les juristes, quel beau drapeau pour mobiliser le microcosme bruxellois et quel beau narcotique pour endormir les foules en leur faisant passer l’idée d’une Europe méthodique et asexuée. C’est une invitation à aller plus loin que le dogme : derrière ce discours de la méthode rationnelle, des calculs orientés et donc un joli réservoir à idées reçues.

La méthode communautaire résoudra tout et sauvera le monde. Vous n’y croyez pas ? Mécréant que vous êtes ! Comme je l’ai expliqué dans mon dernier article (Idées reçues sur l’Europe : la chasse est ouverte), la CEE et ensuite l’Union Européenne se sont construites sur l’idée que la mise en commun de ressources allait éviter les conflits.

Immortelles d'Italie. Ces fleurs ont le parfum de la réglisse. Ont-elles un sexe ?

L’auberge espagnole

On est vite passé à la conviction que c’était la clé de voûte de la politique. Soyons beau joueur : il y a du vrai là dedans. Le morcellement de certains territoires et la superposition excessive de réglementations en Europe sont autant de freins à une innovation profitable à la population et aux échanges d’idées et d’intelligences.

Un exemple ? Lutter contre la concurrence de trains étrangers en installant des rails aux écartements différents, voilà qui faisait penser à un féodalisme périmé. Mettre en commun des capacités ferroviaires par des normes communes, en associant opérateurs, usagers, techniciens, qui pouvait s’en plaindre ? L’auberge espagnole de Cédric Klapisch n’aurait sans doute pas été possible sans Erasmus (l’Europe des universités) ou sans le train et ses facilités de voyage.

Mais, et c’est justement le principe de l’auberge espagnole, l’intérêt de la mise en commun réside pour beaucoup sur la motivation des convives. Qui a jamais eu envie de se rendre à un dîner obligatoire ? Vive les pieds de plomb dans ce genre de festivité ! En faisant passer pour dogme, pour axiome même, la méthode communautaire, les chantres de la construction européenne, ont en fait alimenté les fausses notes des chœurs à l’unisson en perdition.

Concombres, bacilles, vaches folles et cigarettes !

La première raison de ces réticences est biologique : rares sont ceux qui militent pour un projet en raison de la seule beauté de son processus. On aime bien avoir une méthode, un processus où on s’y retrouve, certes, mais de là à en faire une religion systématique, un but en soi, il faut un esprit que tout le monde n’a peut être pas. Le refus de la méthode communautaire s’apparente parfois à l’ouverture d’une fenêtre : de l’air car il fait trop lourd ici !

Du coup, certains trouvent que l’Union européenne insiste bien trop sur l’unité et ne préserve pas assez la diversité de la devise. La Commission Européenne a l’arme fatale : le marché unique. La circulation de tout et de tous n’est plus une faculté, c’est une obligation : concombres, bacilles, vaches folles et travailleurs, circulez !

Cet argument de la mise en commun via les institutions communautaires et en réalité de la mise en concurrence des uns et des autres est tellement fort que la Commission s’en sert pour justifier tout et n’importe quoi. Une preuve ? Les Nuits Graves. Oui, vous savez, les paquets de cigarettes qui doivent porter l’inscription nuit gravement à la santé. Eh bien figurez vous que la base légale pour ces inscription, c’est la libre circulation des paquets de cigarettes dans l’Union et la saine concurrence entre fabricants. Et vous qui croyiez que c’était la santé ! Naïfs que vous êtes !

Communauté d’intérêts ou intérêts particuliers ?

Gardienne du temple de la méthode, la Commission n’en est donc pas à une violation près de son esprit. Voilà une seconde réticence face à ce discours de la méthode. Cela peut paraître étrange pour une organisation qui se prétend impartiale et seulement motivée par la défense du droit communautaire, un corps neutre et asexué en somme. En réalité, à la Commission, il y a des commissaires, des hommes et des femmes qui ont eux aussi des agendas nationaux et sous couvert de communauté d’intérêts, ils font parfois passer des sujets personnels, des préférences intimes. Qu’on songe à la réticence du commissaire européen précédent au commerce extérieur Peter Mandelson à sanctionner les importations déséquilibrées de textile chinois et l’on comprendra ses idées néo libérales comme le rappel à l’ordre écrit par son propre directeur général.

Les juristes connaissent la différence entre les règlements (applicables directement dans les Etats) et les directives (nécessitent une loi nationale d’adaptation). Qu’ils révisent leurs tablettes ! Il est très fréquent que les directives deviennent tellement précises que les lois d’adaptation nationales n’ont plus aucune marge de manœuvre. Diversité, vous avez dit diversité ? Malgré les agenda nationaux à la Commission, il y a donc dans cette organisation un atavisme formidable à privilégier tout ce qui passe par la mise en commun sous ses auspices. Ce serait gage d’efficacité.

Et pourtant, dans les étoiles, on est loin de tout cela. L’agence spatiale européenne, elle, lance fusée après fusée, place satellite après satellite. Et ça marche. Mais ce n’est pas une agence qui fonctionne selon les principes de mise en commun décrétés par la Commission. Non, c’est une agence internationale pilotée par des Etats selon leurs bons plaisirs, parfois éloignés des seules règles du marché. Eh, oui, les mécréants, ça existe. Même en Europe !

Cela ne plait pas toujours en Europe où la Commission n’a de cesse de réintégrer l’agence spatiale européenne dans son giron. La raison ? Sous sa tutelle, elle justifie encore davantage son existence. La Commission est donc gardienne du Temple, c’est à dire parfois d’elle même. Et cela va au delà de principes sacro saints qui s’imposeraient à tous.

Philippe de Casabianca

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