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On ne l’a pas tous vu en direct, mais beaucoup d’entre nous l’ont vu lors de la diffusion d’images d’archives fustigeant l’Europe, l’Europe et ses airs de cabri qui saute tous les obstacles et se retrouve dans tous les débats. Oui, le Général De Gaulle, avec ses deux étoiles contre les douze de la Communauté Européenne, manifestait ses plus vives réticences face à la construction communautaire, ou plutôt face au dogmatisme qu’elle affichait, comme si « les bénéfices de l’Europe » était une expression tautologique.

A présent, loin des images d’archives, la construction communautaire a du mal à se vendre chez ceux qui en font déjà partie. Cette réticence n’est peut être pas neuve mais elle recrute différemment. Le débat sur la constitution européenne a d’ailleurs donné une bonne réserve de carburant à toute une cohorte de critiques et d’eurosceptiques, les uns n’étant pas forcément les mêmes. Mais beaucoup se sont rejoints sur une même position : quelle est cette Union Européenne qui considère avec dédain ceux qui remettent en cause la moindre parcelle de ses vertus passées, présentes ou futures ?

Hans-Martin Tillack, l’un des journalistes qui a découvert une affaire de fraude à la Commission Européenne, s’est vu reprocher son euroscepticisme car il avait montré que le budget européen comportait des caisses noires. Pour le faire taire, la Commission européenne et son organisme spécialisé, l’OLAF, n’y sont pas allés de main morte, faisant courir force rumeurs sur ce journaliste et n’hésitant pas à dépêcher sans preuve les policiers belges. Qu’avait donc la Commission Européenne à cacher ? Ce genre de comportement, peut être aussi piloté par de l’incompétence et des calculs politiques annexes, alimente en fait tous les fantasmes.

Du coup, cela met à mal les efforts de la Commission Européenne qui déploie une certaine quantité d’efforts pour justement mettre à mal les légendes et autres idées reçues tordues sur l’Europe. Notre propos n’est pas de dresser une liste exhaustive des ces légendes ou des idées reçues qui y ressemblent, mais bien plutôt de tenter de comprendre comment l’Union Européenne est cette terre si fertile en idées reçues, elle qui se fait une fierté d’être basée sur le droit, d’abord continental, et à présent de plus en plus anglo-saxon.

N’a-t-on rien de mieux à faire que de payer des fonctionnaires européens à réfuter ces idées reçues ? Mais ne peut-on pas aller au-delà de cette posture intellectuelle qui assimile idées reçues à légendes contre l’Union européenne ? Car les idées reçues en faveur de l’Union, ça existe aussi, et le malheur, c’est que ceux qui les fustigent manquent parfois de rigueur dans leur combat. Pour qui donc sonne le glas ? Et d’ailleurs, sonne-t-il vraiment ? Petit tour d’horizon du terreau des idées reçues.

L’Europe, sauveur du monde : première idée reçue

Pour ne plus avoir recours à la guerre, les Européens ont mis en commun des ressources stratégiques comme le charbon, l’acier et ont jeté les bases d’une union économique : nous sommes à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Etape par étape, l’union s’est renforcée et nous avons maintenant un marché unique et quantités de structures de coopération universitaires, scientifiques et parfois même industrielles. Au nom de l’économie donc, les belliqueux ont été matés et le monde ferait bien de s’en souvenir. Voire…

Sans nier l’importance de l’économie pour expliquer la conduite des guerres et des relations internationales, il nous paraît essentiel d’aller plus loin. Appliquer ipso facto le modèle dit européen au monde nous semble relever parfois d’une forme d’ethnocentrisme.

L’enchevêtrement des deux Guerres Mondiales s’est nourri d’une forme de nationalisme et de frustrations politiques qui sont allées bien au-delà des seules questions économiques. De la récupération de l’Alsace Lorraine au Lebensraum d’Hitler en passant par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il y a une problématique qui dépasse l’économie et qui repose sur des bases pas toujours illégitimes. Tous les nationalismes ne sont pas belliqueux, tous n’appartiennent pas à la même famille politique. Depuis la Révolution Française qui a bien agité les cartes, les nationalismes ont parcouru tout l’échiquier politique. Loin d’être forcément une tare, certains nationalismes peuvent être forme de ciments et consolider sa maison ne veut pas nécessairement dire construire des tunnels d’invasion.

En bref, la coopération économique évite des conflits motivés par la difficulté de l’accès aux ressources mais ne résout pas tout. Pour partager, il faut savoir qui on est et un certain nationalisme peut être une forme de réponse.  Poussons le bouchon plus loin. ONU ne veut il pas dire Organisation des Nations Unies ? On a trop souvent tendance à penser qu’il s’agit d’une organisation supranationale alors qu’elle est censée représenter les intérêts de toutes les nations.

C’est au nom de ce nationalisme que plusieurs pays européens ont maintenu l’existence de moyens militaires indispensables pour défendre les valeurs que l’Union Européenne ou l’OTAN affichent. Si on s’était limité aux seules armes du marché, les Européens n’auraient pas développé de moyens propres et l’intervention en Libye, forcée par les Britanniques et les Français seraient suspendues aux lèvres américaines, plutôt prudentes pour embrasser les rives libyennes. Il s’agit là peut être d’une forme de retour à la décision politique car gouverner c’est décider et sans être anti capitaliste ou anti libéral, s’en remettre au seul marché, c’est démissionner.

Revenons à notre point d’entrée : l’Europe peut-elle sauver le monde par son modèle de coopération économique ? Nous venons de voir que la foi dans le marché comme apporteur de solutions politiques n’est pas toujours justifié, loin s’en faut. Nous pouvons aller plus loin : le modèle de coopération européen n’est pas toujours transposable en l’état.

Cette structure politique repose sur un corpus d’idées politiques anciennes, proches de la vie politique gréco-romaine qui imprègnent à des degrés divers bien des Etats européens. En bref, cela s’est traduit par une traduction des conflits de personnes et d’idées sous forme de bulletins de vote. Avec davantage de développement politique, le terme conflit a pu se muer en confrontation. Cette maturité n’est pas accessible à tous les peuples qui en sont encore au stade du conflit. Imposer la démocratie à tous les Etats qui n’ont pas encore la culture ad hoc, c’est en fait rendre parfois encore plus visibles les canaux de conflit. Un petit retour en arrière nous permet de nous souvenir que les Grecs, avec l’arme de la dictature temporaire avaient bien compris que la suspension des libertés individuelles en cas d’urgence pouvait être une nécessité vitale. Cela supposait de comprendre que la démocratie était un moyen au service d’une fin, le bien commun. Le problème européen est souvent de transformer le moyen, la méthode en fin indépassable. Mais c’est une autre histoire.

Philippe de Casabianca

 

Portrait incomplet de Philippe de Casabianca
par Denis Gentile

 

Journaliste professionnel, il vit à Bruxelles au coeur du dispositif européen. Le web est pour lui un nouveau moyen pour transmettre son expertise sur l’environnement, l’alimentation, la politique et la bio éthique. Son combat contre les idées reçues, son style inimitable et son humour intemporel donnent du panache à ses publications.

Philippe n’est pas un blogueur pur et dur. Mais pouvait-on se priver d’un journaliste à la plume acérée ? Pouvait-on vraiment passer à côté de l’opportunité de compter parmi nous un journaliste d’expérience qui connaît les rouages de la politique, de l’économie, de l’écologie et surtout de notre communauté. Quelle communauté ? Pas une communauté virtuelle comme celles qui naissent dans les réseaux sociaux, mais une communauté bien réelle géographiquement : la Communauté Européenne.

Les propos de Philippe ne sont pas forcément éloignés de nos préoccupations de blogueurs. Pourquoi ?

Parce que l’essentiel d’un blog, c’est son contenu. Et les blogs ne parlent pas seulement de réseaux sociaux  ou de l’actu de Steve Jobs et ses acolytes. Ils ne traitent pas non plus que du gossip et du jeu vidéo. Ils peuvent aussi s’intéresser à des sujets plus traditionnels. Et là, Philippe a pleinement sa place.

L’important pour nous est que le contenu soit de qualité. Plusieurs critères déterminent la valeur d’un article. Son côté pédagogique. Est-ce que j’ai appris quelque chose ? Je lis les articles de Philippe depuis plusieurs mois et j’ai appris une quantité de choses sur l’écologie. C’est la raison pour laquelle nous avions décidé de l’interviewer pour notre article « Le livre est-il moins écolo que l’iPad ? ». Je vous invite à relire cet article dont voici un extrait : « Un arbre qu’on coupe, ce n’est pas une ressource dont on se prive. C’est une ressource dont on fait usage, charge à nous de gérer la forêt et de replanter. » Abattre des arbres n’est pas un acte anti-écologiste. C’est souvent même le contraire. Pourquoi citer cet exemple ? Parce que lutter contre les idées reçues est une excellente idée pour développer un blog. Et notre monde, notamment à travers les médias, est plein de préjugés, d’idées toutes faites et d’opinions communes. Le propre du bon blog est de bousculer cet immense cocotier !

Nous avons donc demandé à Philippe de dresser une liste des lieux communs et des idées reçues. Il a décidé de commencer avec l’Europe, au sens de la Communauté Européenne. Il vit à Bruxelles et cet te actualité est son pain quotidien. Comme pour les romains avec le Vatican. Il nous livre aujourd’hui sa première réflexion.

S’exprimer de façon décalée et non conventionnelle, c’est un autre critère de la qualité que l’on recherche sur un blog.

Franchement, je l’ai senti encore hésitant. Il fait ses premiers pas dans un monde nouveau. C’est le phénomène de balbutiement que nous avons expliqué dans l’article sur l’étonnement. Mais, pour rester dans le vocabulaire de l’économie, c’est une énorme valeur ajoutée pour nous. Mais surtout, Philippe est un VRAI AUTEUR, au sens le plus… vrai ! Comme il su su l’exprimer avec talent dans son édito : L’auteur est-il encore en odeur de sainteté ?


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