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Les opinions règnent en maître sur le web. Est-ce une bonne chose ? Une mauvaise chose ? Avant de répondre et pour éviter de tomber dans le piège de… l’opinion, nous voulons d’abord définir avec rigueur le mot OPINION.

Nous avons donc demandé à Pascal Jacob, professeur de philosophie, de nous expliquer cette définition : « Un assentiment de l’intelligence qui adhère à une proposition en conservant un doute. »

L’opinion est suspecte. On la dit changeante, manipulable, et nécessairement fausse. En effet, par définition, l’opinion ne sait pas, elle n’est pas la science. Mais d’un autre côté nous trouvons la science prétentieuse, et la vérité dangereuse. Car prétendre avoir la vérité, c’est rejeter l’autre qui est dans l’erreur. Et nous savons ce qu’il en est de la science sans conscience.

Noblesse et dangers de l’opinion

Il y a une noblesse de l’opinion. Le philosophe la définit comme une adhésion de l’intelligence, une adhésion qui advient non pas du fait d’une évidence ou d’une démonstration, comme c’est le cas pour la science, mais du fait de la volonté. J’adhère non pas parce que je sais, mais parce que ma volonté m’incline à le faire. Cette adhésion est donc mêlée d’une certaine retenue, qui vient de ce que l’on est prêt, s’il le faut, à préférer la vérité à l’opinion. Encore faut-il le vouloir et y consentir. C’est là le problème de l’opinion, c’est que l’on s’y accroche. Car la volonté, qui fait que l’on consent à adhérer à une idée qui n’est pourtant pas évidente, la volonté donc peut elle-même être le jouet des passions, comme le désir ou la haine. Freud fait là-dessus une remarque intéressante : Distinguant l’erreur de l’illusion, il montre que l’illusion est une erreur dont le motif est notre désir. Sans doute y a-t-il des opinions manipulées par le désir, désir de domination, de sécurité et mille autres encore.

La véritable opinion, vécue comme telle, est une étape nécessaire, et parfois indépassable. Nécessaire, parce que la vérité ne nous apparaît que progressivement. C’est vrai, depuis Descartes nous aimons l’évidence. Mais de l’aveu même du philosophe français, nous ne pouvons facilement distinguer la vraie évidence de la fausse évidence.

On peut voir dans l’opinion une certaine humilité, et parfois un vrai réalisme. C’est qu’il y a des matières, que le philosophe appelle des matières contingentes, qui ne peuvent donner lieu qu’à des opinions : quel est le meilleur candidat aux présidentielles ? Faut-il abandonner l’euro ? 

Mort de l’opinion

Mais le défi majeur aujourd’hui est de discerner ce qui relève de l’opinion de ce qui relève de la science. Car il y a autant d’erreur à prétendre à la science dans ce qui relève de l’opinion (c’est l’erreur fréquente de Marx), que de prétendre que tout n’est qu’opinion quand on peut accéder  à la science. C’est l’erreur du relativisme.

Ainsi nous croyons parfois que tout est relatif, et que par conséquent toutes les opinions se valent. Or c’est là la mort de l’opinion. Aussitôt, l’opinion relativiste devient tyrannique, car elle prétend rendre absolue la position relativiste et ouvre ainsi la porte à tous les arbitraires. 

Ainsi, paradoxalement peut-être, la noblesse de l’opinion consiste à croire en la vérité.

Pascal Jacob
Professeur de Philosophie


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