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J’ai reçu ce texte d’un jeune auteur et j’ai décidé de le publier. Comment m’a-t-il connu ? C’est une longue histoire. Il s’appelle Thomas et vit à Montreal. Comme moi, c’est un Digital Storyteller et il a décidé de prendre un nom d’auteur comme les plus grandes stars du rock. La suite de son histoire  fera l’objet d’un autre article. Il est plus fascinant de garder une brèche dans une zone d’ombre et de ne pas tout révéler dès les premières lignes. Je précise quand même qu’on a retravaillé ce texte ensemble.

Le livre de la vie

Elle a un physique à vous couper le souffle. Difficile de la suivre car elle disparaît et réapparaît sans arrêt. Et à chaque apparition, elle offre un angle de vue différent, parfois elle vous donne le vertige. Même si c’est la première fois que vous la croisez, elle a immédiatement un air familier. Mais vous n’avez pas le temps de fixer son regard que déjà elle vous fait tourner la tête. Et si vous jetez vos dernières forces dans une course folle en bousculant les malheureux passants qui se trouvent sur votre trajectoire, vous devrez malgré tout vous rendre à l’évidence, au risque de passer pour un fou, un fantaisiste qui se promène avec un nez rond et noir comme Mickey Mouse. Vous ressentez alors une énorme fatigue et une faim de loup. Vous montez dans le premier tramway qui vous conduira tout droit dans un restaurant italien. Assis seul à une table de la terrasse, vous sentez qu’elle est là, tout autour de vous. En partant, vous jetez un dernier regard. Devant vous, une baie immense et le Golden Bridge.

san-franciscoVoilà les images que Mark garde de San Francisco, une ville pas comme les autres. Un jour alors qu’il était sur l’une des collines de la ville, il resta fasciné à la vue d’un magnifique arc-en-ciel qui était venu chapeauter le Golden Bridge.  Il décrivit ce phénomène à l’un de ses amis qui plongea immédiatement dans ses souvenirs d’enfance.

– Quand j’étais petit, ma mère qui est d’origine romaine, aimait me raconter une légende qu’elle tenait elle-même de sa mère. Elle dit simplement : lorsque le soleil brille, et au même moment, la pluie tombe, un couple de renards se marie quelque part sur la Terre !

Je me demande encore si cette légende a un sens. En tout cas, je ne l’ai pas encore trouvé. Et vous, vous en dites quoi ?

A l’écoute, il y a avait un ami français qui répliqua immédiatement dans sa langue natale :

– « S’il te plaît, apprivoise-moi, apprivoise-moi ! »

Il leur expliqua que ce sont les paroles prononcées par le renard quand il rencontra le Petit Prince. Le renard était donc pour lui le symbole de l’amitié.

D’un côté, il y a avait donc l’amour avec un mariage et de l’autre le début d’une amitié. Le point commun étant les relations humaines.

Mark ajouta :

– C’est très intéressant ce que vous dites car cela signifie que chacun d’entre nous peut apporter un sens à cette légende selon son vécu et selon sa propre culture.

Mark vivait alors une histoire d’amour compliquée avec Priscilla. Elle venait de l’autre bout du monde, d’un autre continent. Comment garder le contact malgré la distance ? Il aurait fallu un arc-en-ciel immensément grand. Il se sentait particulièrement triste.

Le lendemain, Mark était face à Priscilla, il tenait sa main droite dans sa main gauche et il ne savait pas comment lui dire qu’il l’aimait et qu’il ne voulait pas qu’elle parte. Le soleil brillait encore, mais quelques cirrus cachaient le bleu du ciel. Il eut alors l’envie d’improviser une histoire.

Il était une fois un livre magique écrit avec des actes et des visages, et non avec des mots et des images.

Priscilla sourit.

– Son principe est simple poursuit-il en lâchant  sa main droite car il avait besoin d’ouvrir les siennes comme un livre. A chaque page apparaît un ami, il suffit d’inscrire son nom. Avec ce livre, deux amis peuvent vivre le même moment même s’ils sont à des milliers de miles de distance.

Priscilla était amusée. Alors Mark sentit une force intérieure qui lui donna un nouvel élan d’inspiration.

– Mes amis sont souvent trop gentils avec moi. Ils me font croire que je suis un visionnaire, que mes idées changeront le monde et que j’ai un vrai talent pour capter l’attention des autres.

Priscilla lui répondit.

– Ils ont raison de te dire cela, tu ne dois pas prendre ces phrases pour des compliments mais comme des encouragements. Les amis sont là pour ça, il faut savoir les écouter.

– C’est vrai, il faudrait vraiment qu’ils soient là, tout le temps près de nous. Et avec un livre de ce genre dans lequel des visages s’affichent à l’écriture d’un nom, le miracle se produit. Je crois que je me sens pousser des ailes. Ca fait du bien de les voir et de les entendre. Steve, Guy, Bill, Donna, Paul, Larry, Lisa, Sergeï, Marin, Massimo, Randi, Eduardo, Beth, Dustin, Amy, Noah, Evan, Anita, David, Jerry, Arielle, Kevin, Michel ou bien Chris, ils sont si nombreux. Hier, Paul me racontait une scène du Petit Prince et Luca une légende qu’il tient de sa mère. Leurs mots résonnent encore en moi et leurs sourires éclairent mon imagination. Tu vois dans ce livre, il y a une infinité de pages à propos de l’amitié. Mille, un million ou peut-être plus. Ca dépend de toi, de qui tu es, de ce que tu laisses transparaître, de tes passions et du nombre de tes amis. Il n’y a pas de limites car toutes les personnes dans le monde peuvent devenir tes amis. Aucune discrimination ne passe le filtre de l’amitié. Pourtant, il y a quelque chose d’étrange, quelque chose que je ne comprends pas encore.

IMG_1656– Je peux peut-être t’aider à y voir plus clair Mark.

– Oui, certainement Priscilla. Car c’est toi qui es au centre de ce mystère. Je me souviens de tous les visages de ceux que j’ai rencontrés dans ce livre, même ceux que j’ai vus ne serait-ce que quelques secondes. Mais je ne me souviens pas de toi.

– Bien sûr Mark, je ne connaissais pas ce livre !

– En es-tu vraiment certaine Priscilla ? Car vois-tu, l’amitié n’est pas tout dans la vie. Il y a d’autres chapitres, comme celui que l’on trouve après celui sur l’amitié.

– Et quel est-il Mark ?

Il prit son courage à deux mains

C’est le chapitre sur l’amour ma belle Priscilla, et le plus souvent il ne contient qu’une seule page durant de notre passage sur la Terre. Dans le mien, il n’y en a qu’une et je crois qu’il n’y en aura jamais d’autres. On ne peut même pas l’effacer. Ni moi, ni personne. Elle est sécurisée, personne d’autre ne peut y accéder. Son mot de passe est indéchiffrable.

Et en ouvrant à nouveau ses mains devant elle, il ajouta :

– Regarde, regarde, je viens de l’ouvrir pour la première fois et c’est toi qui est là, oui, c’est bien ton visage, ton sourire, tes lèvres, tes yeux, ton regard, oui c’est toi. Je viens de comprendre pourquoi, car cette page s’ouvre seulement en ta présence. Sans toi, même pour moi, elle est inaccessible. Je voulais inventer ce livre pour pouvoir communiquer avec toi quand tu partiras dans ton pays à l’autre bout du monde mais il ne sert pas à cela. Ce n’est pas grave car il vient de prendre une plus grande importance qui dépasse tout comme une cinquième dimension qui va au-delà du temps et de l’espace.

Priscilla était émue, elle referma les mains de Mark qui continua imperturbablement sa déclaration.

– Je ne vais plus courir le monde à la recherche de quelqu’un d’autre à aimer. Mais je vais m’assoir ici et attendre calmement le jour où ton visage s’animera entre mes mains dans ce livre magique. Toi aussi un jour tu écriras un nom sur une page de ce livre qui n’apparaîtra pas dans le chapitre sur l’amitié. De mon côté, vois-tu, plus rien ne pourra changer parce que c’est mon cɶur qui t’a choisi et les choix du coeur sont indélébiles. Et tant que le soleil se lèvera au-dessus du Golden Bridge, il y aura une lueur d’espoir.

Je crois que l’amour est unique Priscilla et c’est la différence entre l’amour et l’amitié. S’il te plaît, choisis-moi, choisis-moi.

Blottie dans ses bras, Priscilla pleura. Mais quand Mark ouvrit les yeux, elle n’était plus là. Et malgré le soleil, la pluie tomba.

On vient tout juste de changer de siècle. Quelques années plus tard, Mark nomma « son livre avec des visages » Facebook et il épousa Priscilla.

Texte écrit d’après une idée originale (Le Livre de la Vie) de Thomas Redworn.
Arrangements stylistiques et mise en scène : Denis Gentile.

Thomas et Denis sont des Digital Storytellers.

Si vous souhaitez en savoir plus sur le Digital Storytelling, je vous invite à lire l’interview de Denis Gentile sur le blog de Chris Simon. Extrait : « Le storytelling est à la littérature ce que le rock est à la musique. La littérature est en train de vivre  au début de ce XXIe siècle, une révolution comparable à ce que la musique a vécu dans la deuxième moitié du XXe siècle. » Et en effet, l’amour est le thème principal des chansons rock. C’est aussi le thème de ce storytelling !

Catégories : We'll be together

Thomas Redworn

Thomas (c'est son prénom) Redworn (son nom d'auteur quand il publie sur ce blog) est un jeune (22 ans) storyteller québécois. Sa rencontre avec Denis Gentile n'est pas due au hasard, c'est une belle histoire qu'ils raconteront certainement un jour.

6 commentaires

Gwenaelle · 5 décembre 2014 à 11 h 46 min

A l’heure où le community manager mesure l’engagement des fans vers les marques, Facebook nous a permis de dire « je t’aime » sans engagement.
A force chaque jour de cliquer sur « j’aime, j’aime, j’aime ».. cette mélodie s’est encrée dans mon cerveau. Ancrée dans mon coeur. J’ai découvert l’amour de l’autre, l’amour de leurs pensées. Et j’ai découvert qu’on pouvait être aimé sans engagement…
J’ai découvert que je pouvais choisir, et qu’être choisie avait du sens et de la valeur.
Certains critiquent Facebook et son côté de plus en plus mercantile. Moi…. je suis heureuse d’y venir chaque jour nouer lier garder arroser semer récolter…..
Alors, que Facebook soit le fruit d’un amour ne m’étonnerait pas… car il faut beaucoup d’amour pour réussir.
Merci Denis pour ce partage. Lire des choses différentes, étonnantes, et qui font réfléchir… voilà ce que je like!

    Denis Gentile · 6 décembre 2014 à 10 h 27 min

    Bonjour et merci pour ce commentaire Gwenaelle dont je partage chaque phrase et chaque idée.

MonEncre · 17 novembre 2014 à 18 h 34 min

je suis à san fransisco et je vois le petit prince passer. L’amour est la solution, le remède au durcissement des cœurs.

Dilara · 17 novembre 2014 à 17 h 32 min

J’adore la façon dont on décrit les villes en les attribuant les adjectifs de l’être humain, en les habillant avec une personnalité… J’aime beaucoup cette ville San Francisco, une ville très particulière avec son caractère grâces à ses collines. L’histoire de FB et de Zuckerberg est une belle histoire d’amour. L’amour, ou en général la recherche d’amour est à ‘origine de FB. C’est FB ou l’espoir de rencontrer l’amour a envahi le monde entier alors? Difficile à répondre.

mopourmots · 17 novembre 2014 à 17 h 04 min

L’amour est à l’origine de tout, finalement… Comme j’aurais aimé que FB et Skype existent il y a 17 ans… même si la distance n’a pas empêché l’amour de continuer 😉

Marie-Ln Ladybug · 17 novembre 2014 à 9 h 49 min

Je viens de faire un incroyable voyage et j’ai plein d’image dans la tête ! Saint-Exupéry survolant le Golden Bridge, et cette ribambelle de visages qui accompagnent mes jours (et pour certains mes nuits) … Je crois qu’elles vont m’aider à alimenter ma prochaine histoire 🙂 Merci à tous les deux d’avoir déroulé le fil …

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