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Pour une définition actuelle de l’opinion, peut-être n’est-il pas la peine de monter sur ses grands chevaux philosophiques. Car j’en entends encore, platoniciens ou lycéens dans l’âme (allez savoir), qui se piquent d’opposer opinion/vérité (en donnant à cette dernière le double primat ontologique et axiologique) comme si cela suffisait. Bien sûr que cela a longtemps suffi : au siècle des classiques encore, Spinoza assénait son fameux « veritas est adequatio rei et intellectus »(1), et l’opinion, reléguée au rang malaimé des postulats et vraisemblances, ne valait guère le précieux sésame du jugement vrai.


Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Madame Vérité a lourdement chu de son trône : on lui préfère la connaissance scientifique, moins idéale, pour sûr, mais mieux palpable ; et bien peu commettent encore l’erreur de les confondre.

Pour comprendre ce revirement, il suffit par exemple, de constater l’affrontement et la complémentation des théories de la physique quantique et de la physique classique. Ou, face à un problème relatif au comportement de la lumière, d’hésiter un moment entre une approche ondulatoire et une approche particulaire de celle-ci. Ou même de voir quelle application mettent les scientifiques à recalculer des constantes pourtant connues de longue date ou à remettre en doute des théories que jusqu’alors on croyait « en béton ».Car une chose n’est vraie que jusqu’à preuve du contraire, et la science elle-même, après les grands emballements rationalistes du XVIIème siècle, a dû revoir ses prétentions à la baisse : son but n’est plus de saisir d’une seule poigne la vérité mais de la cerner de modélisations crédibles. Elle relève donc plus du postulat souple que de la certitude. Et c’est là que je souhaitais en venir : ne nous contentons-nous pas, souvent et même dans les domaines les plus rigoureux et pointus de l’existence, de vraisemblance plutôt que de vérité ?Et lorsqu’à l’image des philosophes nous planchons sur la vérité à tout prix, ne tombons-nous pas sur un os ?Et finalement, sur d’autres plans tout à fait étrangers à celui de la vérité (la politique, le que-faut-il-faire, les choix de vie), qu’est-ce qui nous guide ? Notre opinion, je crois. Cette si précieuse fréquentation du vraisemblable qui est la nôtre.

Justine Neubach

(1) : NDLR : Spinoza reprend alors une définition conçue quelques siècles plus tôt par Thomas d’Aquin. En Français : « La vérité est l’adéquation de l’intelligence au réel. »


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