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Troisième volet de la rubrique de l’anthropologue Jean-Charles Yambélé sur « Le Boomerang qui nous ressemble ». Cette semaine, nous faisons une première étape en Afrique.
Un point d’histoire
« Il semble bien que le boomerang qui nous vient de l’aube de l’humanité n’est pas spécifique de la seule culture aborigène mais qu’il appartient au fonds commun de l’histoire humaine » (J.L.Porquet,1987). Il existe en Afrique depuis un temps immémorial mais sa trace la plus évidente a été révélée en Egypte grâce à la découverte du tombeau du pharaon Toutankhamon où, parmi les objets funéraires mis au jour, se trouvait un nombre significatif de boomerangs.
Une légende africaine
Au-delà de l’Egypte, en Afrique subsaharienne, on recueille à travers les contes et légendes quelques récits y faisant allusion, comme celui où il est question d’un manche de houe magique volant ayant la forme d’un boomerang.
Chez les tribus Mandja de Centrafrique une légende raconte : « Un jour Ndama un brave paysan disputa un manche de houe à son pair Yakoro, l’arracha et le jeta par dépit ; l’instrument s’anima d’une vie soudaine et prit un essor, tel un oiseau, et s’en fut dans le ciel ». Selon une première version, le manche de houe ne revint plus jamais et resta accroché au firmament car transformé en constellation de Cassiopée ; selon une seconde version, il revint aux paysans et choisit de s’offrir au plus valeureux des travailleurs.
Le fonds commun de l’histoire humaine des relations, ce sont les liens que les hommes ont tissés entre eux, le savoir qu’ils ont et qui les distingue et qu’il partage ; elle s’inscrit dans la recherche de la connaissance de l’autre. Sans doute l’histoire humaine ne se réduit pas à cela, car elle est aussi remplie d’événements dramatiques naturels (cataclysmes …) avec lesquels les hommes doivent composer. Pourtant il existe des événements dramatiques non naturels dont on peut faire l’économie et éviter des tourments ; ils sont du ressort de ceux qui gouvernent ou prennent des décisions parfois lourdes de conséquences pour les communautés dont ils ont la responsabilité.
La révolution par le web et les liens sociaux
Existe-t-il une relation entre ces événements qui ne sont pas du cadre de la nature et de ses lois et la difficulté actuelle en Afrique mais que les relations humaines peuvent changer ?
Une chose est sûre, les populations africaines cherchent depuis bien longtemps des solutions à leurs difficultés du quotidien, et beaucoup ne se font plus guère d’illusion face à leurs gouvernements dont elles n’attendent plus rien désormais. En Afrique subsaharienne, les jeunes générations ont maintes fois manifesté leurs intentions, lors des élections démocratiques, de changer les règles de jeu politiques confisquées par des régimes contestés. Derrière les revendications politiques sous-tend la question de développement humain, car tout repose sur cette question essentielle qui conditionne la survie des populations. Par ces termes, le Rapport mondial des Nations Unies dit en substance : « Le développement humain est un processus qui élargit les possibilités offertes aux individus de vivre longtemps et en bonne santé, d’être instruit et de disposer des ressources leur permettant un niveau de vie convenable ; s’y ajoute la liberté politique, la jouissance des droits de l’homme et le respect de soi ».
Nombreuses sont les populations africaines à croire au processus de changement social par la voie démocratique en tentant d’influencer par leurs votes les décisions politiques qui concernent leurs conditions d’existence, même si, pour l’heure, elles se voient bafouer les droits civiques qu’elles expriment. Dans les centres urbanisés, les valeurs culturelles traditionnelles de respect, de solidarité et de coopération qui structuraient les familles se défont et tendent à disparaître, cédant la place à l’individualisme, à l’appât du gain et au repliement sur soi. Le salut viendrait-il du web en réanimant la flamme du lien social ?
La naissance d’une opinion
Nul n’ignore le rôle des médias et la diffusion de l’information via les réseaux sociaux dans le Maghreb. Ils ont largement contribué aux mouvements des révoltes et du processus de changement social dans le monde arabe en s’adressant à des populations culturellement réceptives, prêtes à opposer une résistance durable face aux régimes autoritaires en place. L’effet boomerang, ce sont des générations d’hommes et de femmes formés, éduqués, fonctionnant dans le silence des répressions politiques, mais qui, à présent, se retournent contre les initiateurs d’un système social injuste. Elles s’insurgent contre ce système et entérine le divorce avec le pouvoir des autocrates. Partout dans les pays où s’installe le processus de changement, la nouvelle génération des insurgés n’entend pas renoncer à la liberté démocratique, à la liberté des médias acquises grâce à sa détermination ; ces libertés permettront par voie de conséquences la naissance d’une opinion publique et politique.
Le web est en passe de transformer notre vision du monde et des relations interpersonnelles grâce aux flux d’échanges d’informations, de connaissances, mais développe aussi un esprit de complémentarité et de coopération entre les gens. Or le monde politique, dans bien des régions en Afrique, est à contre-courant de ce phénomène de flux et fonctionne sur le modèle ancien de plus en plus décrié et voué à l’abandon.
Jean-Charles Yambélé
A lire du même auteur : Le boomerang qui nous ressemble et La parabole du boomerang et des réseaux sociaux
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