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Avec le lancement de la campagne électorale en France, on voit ressurgir l’inévitable vocabulaire guerriers et les matamors qui montent au créneau, drapés dans leur verbe éphémère. Pourtant, ce sont rarement des charges pour enfoncer les lignes ennemies et en arracher le drapeau, non, ce sont bien souvent des gesticulations devant la ligne de front. Faudrait-il donc vraiment avoir peur de la seconde ligne de front, celle qui est décisive ?

  

Même en politique, l’indifférence tue. Du coup, les matamors de la communication politique jouent en ce moment leur  va-tout, qui Rachida Dati prête à se faire exclure de l’UMP à Paris, qui Arnaud Montebourg prêt à ne pas respecter l’accord de son propre parti avec les écologistes. Qu’importe, en brandissant le chiffon rouge, certes souvent puéril, on aura existé ! Qu’importe si le sang coule sur le sable chaud après le passage d’un taureau, on aura gagné une larme au risque en fait d’en rester sans voix.

 

Le spectacle est partout

 

Pourquoi donc la communication politique surfe-t-elle sur la recherche d’une image ? C’est d’abord affaire d’émotions. Et c’est sans doute indispensable pour transcender les clivages partisans ou sociologiques. La perplexité n’est donc pas là. Elle provient de l’observation de recherches d’images à très court terme qui se fanent même dans le court laps de temps d’une présidentielle où on voit les matamors s’affronter dans l’arène ou dans les gradins. Le spectacle est en effet partout ; il n’est donc nulle part.

Cette recherche de gains en terme d’image à court terme est un coup d’épée dans l’eau si elle n’est pas soutenue par une stratégie de véritable conquête de l’adversaire et de ses ressources. A force de ressasser les mêmes idées et parce que le stock n’est pas extensible à l’infini, il arrive que cela se produise : la thématique de l’écoute des exclus, des sans grade rassemble candidates de droite et de gauche, à leurs corps défendant. Mais c’est peu structurant : PS et UMP, maintenant bien gênés, ont voté un texte interdisant le camping à l’année…

On le voit donc, quand dans cet exemple de la préoccupation des exclus, des sans voix, gauche et droite chantent à l’unisson, c’est plus par manque d’hameçon accrocheur personnel que par stratégie de pilonnage du camp adverse. Pour gagner, c’est essentiel, il faut prendre pied chez l’adversaire et donc ne pas se limiter à faire des grimaces à la première ligne de nos adversaires ou à s’offusquer de leurs propres grimaces (cf l’UMP choquée de Hollande traitant en privé Sarkozy de pauvre mec).

Gagner la seconde ligne de front, c’est donc aller plus loin. Cela n’interdit pas de concevoir un projectile, un produit de communication qui frappe la première ligne, mais il faut que cela parle aussi à la seconde ligne comme un message forgé pour les militants doit parler à leurs familles, comme une attaque contre un adversaire doit aussi cibler son idée, l’origine de ses arguments.

 

Et le respect des électeurs ?

 

Alors bien sûr cela implique de considérer ses différentes cibles avec autrement plus de respect. Ce n’est pas parce qu’on veut mettre à terre un adversaire qu’il faut le sous estimer ou le dénigrer. Ce n’est pas parce qu’on a une formidable machine de communication qu’il faut considérer l’électeur de base comme juste bon à consommer du pain et des jeux. C’est donc toute une recoloration, une refonte des images de communication que l’on veut utiliser. C’est aussi un appel à un marketing autre que celui qui se borne à découper la population en tranches de saucisson fourré aux catégories socio-professionnelles. C’est un appel à une subtilité qui sache concevoir une communication paramétrée pour un premier public (la ligne de front) et capable d’être transmise à la seconde ligne de front parce que l’une et l’autre, peut être à des degrés divers, sont concernées.

Mais au fond, en disant cela, a-t-on vraiment inventé quelque chose ? Pas vraiment. C’est exactement l’azimut suivi par les Astérix de qualité où un album peut intéresser les lecteurs en culottes courtes et leurs ainés aux dents longues. Les uns et les autres seront touchés par un même produit, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Qu’importe, car le camp adverse sera pilonné et emporté pour la plus grande gloire de nos légions !

C’est sans doute pour ce genre de raisons qu’il convient de se méfier d’un étiquetage un brin abusif des catégories de communication. Certes, on ne parle pas de la même manière à un sénateur qu’à un cheminot, quels que soient les trains qu’ils peuvent partager. Pour autant, si on offre une communication pour experts only, on court le risque de les voir garder pour eux la communication en question puisqu’ils seront les seuls à comprendre.Or, qu’elle prenne l’arme du baiser ou de l’épée, la communication doit bouger et faire bouger.

 

Il est donc essentiel, même dans le cas d’une communication très ciblée, d’inclure des éléments que la première ligne de front puisse faire passer à la seconde ligne de front. Sinon, la communication, du coma à l’hystérie restera dans son état second. Et c’est là, qu’au-delà des experts, la politique réinvestit un camp de bataille d’idées et de personnes: celui de la décision assumée.

Philippe de Casabianca 


1 commentaire

Qui veut la peau du journaliste ? | MoreThan Words · 30 janvier 2012 à 6 h 19 min

[…] Mais qui a peur de la seconde ligne de front ? Taïaut, que diable ! […]

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