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Amis lecteur, nous avons cherché les origines de la colonne : « Le poirier, la colonne et l’apprentissage de la sagesse » puis nous avons compris que la colonne est un moyen de passer « de la transmission à l’élévation ».

Nous savons donc que la colonne ne porte pas, ne supporte pas. Elle est le passage des forces, des énergies, un lien entre des mondes. Nous savons aussi qu’elle est l’image de l’élévation du geste et de la pensée : « Mieux que mon père, mieux que mon maître ».

Alors, que reste-t-il à dire ? Allons… et le mystère de la création dans tout cela !

Notre colonne en image est, cette fois-ci, celle de l’imagination et de la création : le génie artistique est là, sous forme d’un tutu ; l’esprit pensant est peut-être dans le livre, celui des légendes ; le ciel, symbole de la constance du temps qui passe, et le cadre de vie des hommes, créé par l’homme et plus temporel, sont floutés, virtualisés  par le numérique photographiant. Même le soleil électrique est lointain, et l’homme n’est qu’ombre ou silhouette, petit, si petit eu égard à la puissance de la colonne, seule véritable force de cette image… mais colonne de légende, peut-être.

 

 

Le doigt du tripoteur efface la main du bâtisseur

L’esprit du XXIe siècle n’est pas très émerveillé par les prouesses de nos ancêtres, pères ou pairs. Nous naissons de plus en plus mal éveillés, avec l’index comme substitut de la main ; LE doigt qui sert à :

  • tapoter sur les touches de la high-tech télécommunicative,
  • tripoter les ipads dernière génération et autres écrans tactiles,
  • se gratter l’oreille ou le trou de nez,
  • formater le GPS qui permet d’aller du point A au point B par un chemin connu de lui seul,
  • appuyer sur le bouton du store électrique
  • sonner pour entrer chez le médecin ou la voisine,
  • insulter le premier venu en le positionnant, érectile, pointé vers le ciel…
  • mais qui ne sert plus à demander « maîtresse, est-ce que je peux aller faire pipi ? »

Alors, bien sûr, puisqu’il suffit, avec le doigt, de télécharger l’application qui permet de devenir assisté permanent – dépendant volontaire, impossible d’imaginer que l’on puisse ériger une colonne avec, comme seuls outils, des cerveaux (des vrais, pas des cortex du 4ème millénaire !), des mains et des muscles (des vrais, pas ceux des héros virtuels ou des salles de gonflage).

Comment ont-ils faits ? 

Et pourtant… tentons d’imaginer. Plaçons-nous au pied d’une colonne, dans une de ces géantes gothiques de la foi. Embrasser à bras ouvert le fût de pierre, c’est percevoir la masse colossale qui communique entre forces du dessous et forces du dessus. Rien ne paraît alors plus incroyablement fort que l’érection d’une cathédrale :

Sans ordinateur, sans logiciel de traitement d’images 3D, sans calculatrice, sans traité de physique poussée, sans ascenseur, ni grue, ni monte charge, sans lame de scie au carbure de tungstène, sans électricité, sans moteur thermique… COMMENT ONT-ILS FAIT ? Cherchez… cherchons… on ne sait pas tout encore !

Force est de reconnaître qu’il fallait une incroyable intelligence collective, une foi sans limite, une abnégation, quasi inimaginable de nos jours, et une aptitude à la virtualisation très supérieure à la moyenne d’aujourd’hui pour savoir, en taillant la première pierre et en la plaçant à un endroit exact, sur ses fondements là, plutôt que sur n’importe quel autre, qu’elle ne serait que le un cinq millionième élément de la cathédrale ; qu’elle supporterait une masse considérable en s’opposant au force considérables inverses, sans s’écraser, sans s’enfoncer, sans bouger, qu’elle donnerait l’exact magnificence du bâti que l’on admire encore 600 ans plus tard ! IMAGINEZ ! Voilà l’élévation du geste et de la pensée. La colonne spirituelle comme outil au service de la construction de la colonne de pierre. Peut-être simplement la définition de l’Art, une définition, l’Art !

La Sagrada, ou l’ultime sursaut

Combien d’heures à regarder le poirier pour saisir le sens de son message ? Même si nous le savons, les cathédrales sont nées de l’ambition des évêques et du cumul des maigres « richesses » du peuple, combien d’hommes ambitieux aujourd’hui savent, avec d’aussi dérisoires moyens que furent ceux de l’époque, ériger de grandes choses, des œuvres éternelles (prises au temps d’une vie d’homme) ?

Pire, il n’y a ni volonté, ni moyens financiers, ni capacité à se mobiliser d’une même voix pour imaginer provoquer la surrection d’une pareille œuvre. Bâtir l’Œuvre pour l’éternité, même pour la moitié d’une éternité, même pour quelques décennies,   est impensable aujourd’hui ; trop de contestations, de tergiversations, de réclamations, manque d’exaltation, de passion, d’ambition ; L’histoire chaotique d’une Grande Arche en est l’exacte illustration, avec pourtant des moyens d’architectes incomparablement plus sophistiqués. Le « maintenant – tout de suite – immédiatement, le « Moi-d’abord » , l’ « Après – moi – le déluge » ont totalement pris le dessus sur l’idée de société et d’œuvre commune. Et même si la Sagrada Familia entrevoit  sa finalisation effective, l’art issue de la participation collective active n’est plus. Tout au plus quelques nostalgiques cherchent-ils à reconstruire un château d’antan, un bateau d’antan. Copier l’antan porte moins à controverse, que créer maintenant. Il y a de l’argent sans trop de méfiance, pour refaire ; et de la méfiance et peu d’argent, pour faire.

J’irai me ressourcer à l’ombre des colonnes

Quoi d’étonnant alors que croyants et non croyants franchissent massivement les portes massives des cathédrales ? Qu’ils reviennent, nez vers le ciel, admirer encore et encore les colonnes et les voûtes des temples, incrédules, ébahis, conquis ; souvent convaincu d’un grandiose à jamais disparu. Plus de conquête, plus de ferveur contagieuse, plus d’ennemie défaite, plus de croisade périlleuse ; finies les cathédrales, les  abbatiales et les cités papales. Finis les Maures, les ors et le son des cors. Les Aygues sont mortes et Versailles a fermé ses portes. Le roi est mort.

Quoi d’étonnant encore que croyants et non croyants franchissent massivement les portes massives des cathédrales ? Lieu de mystère, outre la foi, l’ouvrage est ici lieu, de ressourcement, d’apaisement, de créativité… de spiritualité. Peu d’endroit incitent autant au silence et imposent d’eux-mêmes l’élévation du regard. Fruit d’hommes vaniteux et ambitieux, la colonne est la force qui inhibe la vanité et l’ambition ; car tant elle induit le respect, qui exalte l’esprit et la créativité, car elle donne de cette énergie, méconnue ailleurs, de cette modestie et de cette humilité qui trop secrètement nous habite encore.

Amis lecteur, transmets à tes enfants ce message là. Donne lui envie de connaître la colonne, les colonnes, toutes les colonnes, le poirier et l’art, autant de grands mystères de la création ; avant qu’eux ou leurs enfants après eux ne soient définitivement high tech addict, i-communiquant dépendant ou crétins volontaires promenant leurs ferrailles canines robotisées à l’aboiement synthétisé, objets d’amours immodérés.

Jean-Luc Mercier

A lire aussi du même auteur : 

Afrique de l’Ouest : Et si la solidarité venait de l’intérieur ?

– SECRETS d’AFRIQUE : Toi, Seydou, et l’émotion que tu apportes ! 

Le poirier, la colonne et l’apprentissage de la sagesse 

COLONNE : De la transmission à l’élévation

 

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1 commentaire

Avons-nous encore le désir de créer ? | MoreThan Words | L'arbre philosophe | Scoop.it · 22 octobre 2011 à 14 h 16 min

[…] Avons-nous encore le désir de créer ? | MoreThan Words L’esprit du XXIe siècle n’est pas très émerveillé par les prouesses de nos ancêtres. Nous naissons avec l’index comme substitut de la main… Source: http://www.morethanwords.fr […]

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