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« Ce jour-là, il régnait au pays des Kreich une atmosphère de fin de la saison sèche, lourde, oppressante, un prélude à l’orage. D’ordinaire à la tombée du jour, Tamboura leur grand village se repeuplait de ses agriculteurs et s’animait de plus belle dès le retour des champs. Or la menace d’orage comme ceux inaugurant les saisons d’hivernage, violents et destructeurs, avait obligé tout un chacun à surseoir aux travaux agricoles et à hâter le pas pour rentrer plus tôt … »

Cette scène pittoresque traduisant un monde irréel pourtant si proche de la réalité trottait dans ma tête mais je n’osais pas l’écrire et l’intégrer à mon texte. Et à force d’attendre, je languissais. Empreint de doutes et d’idées négatives, je me disais que personne n’accepterait de le lire. Je lâchais tout.

Toutefois, j’avais rédigé une bonne partie de ce qui allait devenir  Le Pygmée et le Pharaon. J’avais commencé en notant noir sur blanc une phrase magique qui avait déterminé toute la suite. C’est fou qu’une petite phrase lue dans un bouquin d’archéologie égyptienne puisse vous inspirer. Il y a eu d’abord une période d’incubation d’un an durant laquelle je m’imprégnais de tas d’histoires sur l’Egypte et les pays du haut Nil, en essayant de pénétrer la vie quotidienne des anciens Egyptiens et des peuples voisins.  Des idées fusaient de toutes parts dans ma tête, et il fallait les organiser et leur donner un sens.

D’où me vient l’envie d’écrire ?

Ma mère, fille d’un juge coutumier de province, n’a jamais été à l’école. Femme au foyer, elle élevait ses enfants dans la foi catholique et dirigeait une association paroissiale des femmes chrétiennes. Comme la plupart de ses compagnes, ma mère présentait une singularité, elle savait lire ; elle lisait la bible traduite dans la langue dont elle était familière, le sango. Il était un fait qu’un certain nombre d’analphabètes s’entraînaient à la lecture de la bible ; cela consistait à lire à haute voix et à mémoriser visuellement les mots.

Mon père, lui, avait son certificat d’étude primaire, ce qui lui conférait un  statut de lettré et de privilégié parmi les membres de sa communauté africaine d’avant l’indépendance. Il était un commis administratif. Sur la commode de notre salon, mon père avait posé un dictionnaire Larousse parmi les rares bouquins que nous disposions : un manuel d’orthographe, un livre de synonyme. Quand il ne connaissait pas le sens d’un mot, il aimait à me mettre entre les mains ce dictionnaire et me disait de le chercher et de lui donner la définition.

Tout cela ne pouvait suffire à m’attribuer des dispositions à l’écriture. Non. Jeune écolier, je m’appliquais à écrire mes rédactions avec soin, et les jours de compositions de français ne me paraissaient pas oppressants outre mesure. Ainsi, quand l’année scolaire touchait à sa fin, il m’arrivait de rafler quelques prix de français : Robinson Crusoé  de Daniel Defoe, Le tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, Sido de Colette. Et puis un jour, en farfouillant dans une vieille cantine de mon père pendant son absence, j’en sortis Caroline chérie de Cécil Saint Laurent, un roman licencieux, disait-on, mais que je lisais dans le secret de ma chambre. Plus tard, j’en étais venu à tenir un journal de voyage lors d’un déplacement à l’étranger, texte que je finis par égarer à cause de mes nombreux déménagements.

Pourquoi j’écris ?

J’avais envie d’écrire un roman d’aventure à partir de la phrase lue dans le bouquin d’archéologie égyptienne ; elle parlait d’un pygmée offert à un pharaon d’Egypte, un homme que rien ne prédisposait à une vie exceptionnelle. Entrer dans son personnage et suivre tout son cheminement, depuis les confins du haut Nil jusqu’à la cité du pharaon, a été pour moi de grands moments de ravissements, de désespoir et de doutes aussi.

L’histoire vraie de ce pygmée était celle d’un homme arraché à sa terre par un puissant et emmené dans un pays lointain. C’était l’acte d’un général de l’armée égyptienne qui, pour démontrer ses hauts faits de guerre et se concilier les faveurs du pharaon, lui offrit ce trophée particulièrement prisé des pharaons. Ca, c’était l’histoire.

Mais, par un effet de retournement des situations, comme l’histoire humaine sait les produire par moments, le pygmée se retrouva propulsé à la cour du pharaon et en devint un des personnages éminents et écoutés, grâce à son don particulier. Ca, c’était la création imaginaire.

De l’idée à l’écriture

Le processus de l’idée à l’écriture du roman à partir d’un bout de phrase m’a conduit d’abord à une période d’incubation, période pleine d’incertitudes où il fallait décider ou non de passer à l’acte d’écriture. L’inspiration  partant d’une bonne idée ne signifie pas qu’on passera forcément à l’acte d’écrire. Que de projets d’écritures ont été abandonnés, enfouis au fond de tiroirs par leurs auteurs ! L’aboutissement d’un projet de livre dépend de l’énergie qu’on y a consacré pour franchir des moments de blocage  par manque d’inspiration, moments souvent inconfortables où l’on peut tout lâcher.

J’ai connu dans l’écriture du Pygmée et le Pharaon un moment où il m’a été nécessaire de faire le point, de choisir parmi mille et une idées et de ne garder que celles qui m’ont été utiles à la construction du texte. Mais fallait-il coûte que coûte écrire ce roman ? Non. Il ne compte pas parmi les livres à grand tirage mais il a le mérite d’exister et de m’avoir permis, étape par étape, d’améliorer mon écriture et de donner, dans certaine mesure, un sens à ma vie.

Jean-Charles Yambélé

Mon roman Le Pygmée et le Pharaon, on pourra le réserver sur mon site via le formulaire www.conseilcotedazur.com (15 euros)

Jean-Charles Yambélé chaque lundi sur morethanwords.fr

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L'histoire vraie de Pierrot, sans domicile fixe | MoreThan Words · 6 août 2011 à 7 h 13 min

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